CLARA CLARA
Album Bugarach (6 octobre 2016)
Chez Clapping Music
Né dans une cave dijonnaise autour d’une casserole en guise de caisse claire, d’une guitare Höner et d’un micro My First Sony, la famille Clara Clara est en quelque sorte la substantifique moelle de la scène spazz locale (au bas mot, une grosse huitaine de personnes traumatisées par le passage du groupe néerlandais The Ex pendant la tournée Starters Alternators). Formé par la fratrie Virot (Charles et François, bien connu en solo sous le nom de François Virot) et Amélie Lambert (dont un livre d’études intitulé « Clara » a donné son nom au groupe sans que personne ne sache vraiment pourquoi), Clara Clara a curieusement commencé comme un trio basse/ batterie/flûte avant de se rendre compte que « la formule pouvait être améliorée » – ce qui fut promptement achevé avec l’adjonction d’une disto et d’un octaveur, d’un synthétiseur et de vraies chansons pop, courtesy of François (qui s’y connaît, en chansons pop).
Le groupe part sur les routes du vaste monde et enregistre à la va vite quelque CD-R et un premier vrai album sur SK Records .
Las, le groupe ne peut s’empêcher d’être passionnant : épuisé de chansons jouées jusqu’à la nausée, il se réinvente via la complexité (relative), plus de synthés, une surdose de rythmes (techno ou africains, tout ça) et un gros rab de mélodies jaunes, vertes ou roses sur Comfortable Problems , deuxième album étourdissant, sorti en 2010 chez Clapping Music.
Six ans plus tard et après moult péripéties et projets parallèles (entre autres : Reveille pour François, Averse pour Charles), voilà qu’arrive enfin le troisième album intitulé Bugarach , et avec lui pas mal de changements dans la formule.
Première nouveauté notable : Charles s’empare du micro (autrefois propriété exclusive de François) sur une bonne moitié des morceaux. Et en français s’il vous plaît. Il en a également composé la plupart, les arrangements définitifs portant toujours l’empreinte des trois membres du trio.
Deuxième changement qui saute aux oreilles dès la première écoute : là où Comfortable Problems sonnait frénétique de la première à la dernière mesure, album coup de poing de jeunes chiens fous enregistré pied au plancher tabassant l’auditeur sous une avalanche de notes, breaks et distorsions diverses pour le laisser exsangue à la sortie, Bugarach dévoile une facette plus calme et apaisée de Clara Clara . Plus d’espace et de respiration pour mieux mettre en valeur la finesse d’écriture et les qualités intrinsèques des chansons. Pour autant, on se gardera bien de parler d’ « album de la maturité », car la folie inventive du groupe éclate encore
régulièrement au détour d’un break chelou, d’un changement de partie inattendu, d’une petite trouvaille sonique, d’envolées kitschs revendiquées ou de télescopages d’influences contradictoires voire conflictuelles (en vrac : Olivier Messiaen et Francis Bebey, Blonde Redhead et Céline Dion, Etienne Daho et Fugazi...).
Si l’on a souvent parlé « pop noise » pour qualifier la musique de Clara Clara, sur Bugarach c’est incontestablement la pop qui l’emporte. Mais la pop selon Clara Clara n’a rien d’une promenade de santé sur sentiers bien balisés et les sorties de route sont aussi nombreuses qu’imprévisibles...